L'Histoire de Meywenn

Il y a de cela trois ou quatre millénaires, une civilisation apparue sur un continent au climat clément, aux plaines verdoyantes et aux forêts peuplées de centaines d’animaux. Ces êtres aux oreilles pointues et aux cheveux blonds vénéraient les Esprits originaux, ceux du Loup et de la Harfang, Meryll et Esyll, ceux qui les avaient créés tels qu’ils étaient et leur avaient offert ce monde à protéger. Et c’est ce qu’ils avaient fait, créant une langue, des valeurs, une culture et même un peuple gouverné par un Empereur.

Le peuple elfique connut quelques évènements marquant et dont l’un est des plus importants. Il survint alors que leur civilisation était à peine installée dans les bois de l’Est et les plaines du Sud. Un jeune Elfe du nom de Fenduil ne voulait pas rester cantonné aux forêts et aux plaines herbeuses. Ainsi, il prépara une expédition vers le Nord et se laissa guider par son instinct. Il arriva bientôt aux premiers contreforts des montagnes et faillit rebrousser chemin, se doutant du périple qui l’attendait encore s’il poursuivait. Et pourtant, une petite voix lui souffla de continuer son chemin, d’avancer encore. Et il gravit un premier col, puis un deuxième. C’est là, dans une vallée isolée, à la source d’une rivière inconnue, qu’il le trouva. Il pensa d’abord à un caillou imposant. Mais sa forme était trop parfaite, trop ovale pour être le fruit d’une érosion naturelle. Il posa avec prudence ses doigts sur la surface lisse de l’œuf. La chaleur qui s’en dégageait l’intrigua. Il se saisit de l’objet et le scruta. Soudain, il sentit un picotement dans ses paumes et il sentit comme quelque chose s’agitant dans la pierre. Lorsque celle-ci se fendilla, Fenduil comprit qu’il s’agissait d’un œuf. Une créature reptilienne aux ailes membraneuses en sortit et, d’instinct, l’Elfe sut comment en prendre soin. Il la ramena chez lui et s’en occupa. Il était devenu le premier dragonnier et son Dragon blanc, Jylon, devint respecté et acclamé.


Les dragonniers suivants suivirent les conseils de leur mentor et ainsi fut créée la caste des Dragonniers. Elfes cultivés et altruistes pour la plupart, ils transmirent leur savoir aux plus jeunes et les Dragons furent vénérés au même titre que les Esprits, dont ils partageaient la sagesse. Fenduil et Jylon s’éteignirent ensemble après plus d’un millénaire d’existence et leur héritage leur survécut.

L’arrivée des premiers Humains changea le monde tel que les Elfes l'avaient toujours connu. S’ils s’imposèrent de force sur les plaines, un accord fut signé qui délimitait leur nouveau royaume aux limites des plaines, laissant les forêts de pins aux Elfes puisque la plupart y habitait déjà depuis plusieurs siècles. La première ville fortifiée fut édifiée et baptisée Calaelen, qui devint bientôt la capitale du royaume. S’ils gardèrent leurs coutumes, ils adoptèrent, par décret royal, la langue des Elfes et leur adoration des Esprits s’y joignit naturellement. Ainsi, dans leurs cadeaux, le Loup et la Harfang pensèrent aux hommes et le premier Dragon se lia à un jeune homme d’apparence chétive prénommé Hadrien Kilsdom trois siècles après leur arrivée. Les Elfes virent cet évènement d’un mauvais œil et ils avaient raison. Hadrien était un jeune homme influençable et il se laissa manipuler par le Roi Fabius II. Celui-ci fut le pire roi que connurent les Humains, il rêvait de conquêtes et de puissance. En ce dragonnier, il ne voyait pas un cadeau, il voyait une bénédiction. Il le retourna contre sa caste, lui et les trois dragonniers humains qui le rejoignirent bientôt. Et les Liés s’entretuèrent jusqu’au dernier en quelques années. L’âge des Dragons était terminé.

Depuis, les Humains et les Elfes ne se querellent plus mais n’échangent plus non plus. Les temps devinrent durs, la magie décrut alors même que les hommes commençaient à comprendre son potentiel. Une guerre civile éclata, déclenché par la famine qui sévit, et il fallut près d’un demi-siècle pour qu’elle cesse. Ce fut le roi Chesley Ier qui parvint à un accord entre les différents parties et mit fin au conflit. Les siècles passèrent sans que de nouveaux incidents de ce genre ne se produisent. Il y avait bien quelques révoltes par-ci par-là mais rien qui n’ait l’ampleur de cette guerre. Une certaine prospérité revint, même si se coucher le ventre vide était le lot quotidien de nombre d’Humains. Les Elfes souffraient moins de la faim, mais certaines familles plus pauvres connaissaient tout de même la sensation de se coucher sans diner certains soirs.



Ce fut donc dans un climat de paix que débarquèrent les Vampires, trois siècles auparavant. Ils étaient environ cinq cents. Les villages côtiers furent les premiers touchés. Assoiffés après leur périple maritime, ils tuèrent des centaines de villageois, les vidant de leur sang. Dès que le roi Victor III eut vent de ce massacre, il leva son armée. Un millier d’hommes marcha à la rencontre des Sangs-froids. Ils ignoraient ce qu’ils allaient affronter, et ils ne furent pas déçus. Ce fut au prix de pertes importantes qu’ils réussirent à repousser les Vampires vers l’Est, dans le Désert Blanc. Des mille hommes partis protéger le royaume, seul un peu moins de deux cents revinrent quelques mois après leur départ. Les vaincus se réfugièrent dans les tunnels qui parcouraient la glace de ce désert et s’y installèrent. Il fallut encore un siècle pour instaurer un régime politique à peu près stable en la personne de Mahal Winterley, seigneur des Vampires, et son Général, Gerald Durmath. Depuis deux siècles maintenant, ils organisent des raids dans les premières villes de l’Est, Arlania et Fodentelle, afin de continuer à dispenser la peur dans le cœur des Humains. Mais ce que ces derniers ignorent, c’est que les Vampires préparent leur sortie des souterrains, ils refusent de vivre plus longtemps dans ce désert maudit où ils dépérissent peu à peu.

De leur côté du continent, dans les forêts de pins, les Elfes ont reçu un message de leurs divinités. Le Loup et la Harfang ont décidé de leur offrir une nouvelle chance. Là-bas, dans les Montagnes de Glace, trois œufs attendent patiemment leur heure. L’un d’un noir profond, absorbant toute lumière. L’autre blanc comme la poudreuse, étincelant comme un diamant. Le dernier d’un rouge terne, semblable aux braises mourantes. Qui seront leurs dragonniers ? Humains, Elfes ou Vampires ? Seuls les Esprits le savent peut-être.